A l’heure où le groupe UGC reprend les deux derniers cinémas versaillais, le Cyrano et le Roxane, un petit historique des salles de cinéma de Versailles s’impose. La ville du Roi-Soleil, au décor digne d’un film de cinéma, voyait une intense vie cinématographique à travers ses nombreuses salles.

C’est ainsi qu’on découvre que certaines salles de cinéma furent d’abord des salles de spectacles avant de se consacrer définitivement au cinématographe. Les salles de cinéma de Versailles suivent l’évolution de l’exploitation sur le territoire à savoir la fermeture des salles mono-écrans ou la transformation de salles en multisalles.

Cinéma l’Alhambra:

Situé impasse des Chevaux Légers, l’Alhambra est le plus ancien cinéma de Versailles. Avant guerre, il alterne les films et les spectacles vivants. « Metropolis » de Fritz Lang y est programmé le 5 octobre 1928, « Les Temps Modernes » de Charles Chaplin le 8 janvier 1937. Après guerre l’Alhambra assure l’exclusivité des films de la Metro-Goldwyn-Mayer (MGM) comme « Autant en emporte le vent » et « Ben-Hur » qui sont à l’affiche pour le première fois à Versailles en 1952 et 1961. Pour les autres films, l’Alhambra programme souvent les mêmes films que le Cyrano.

L’Alhambra, avec ses 1640 fauteuils, possède un très grand orchestre et un petit balcon. La salle a cependant un aspect désuet par rapport aux autres salles car peu de travaux de rénovation avaient été engagés. L’Alhambra ferme en 1969 après le western de Sergio Leone  « Le Bon, la brute et le truand ».

Cinéma le Cyrano:

C’est dans la rue Rameau que le Cyrano, construit par l’architecte Albert Rimbert en 1927, fut inauguré inauguré l’année suivante avec un film de la Paramount, « Chang ». Le 30 novembre 1928 « Napoléon » d’Abel Gance y fut donné et le 21 décembre de la même année, ce fut « Ben-Hur » , pour la première fois à Versailles après sa triomphale exclusivité parisienne au Madeleine puis au Gaumont-Palace. En outre, le Cyrano avait l’exclusivité des films de la Metro-Goldwyn-Mayer. Les grands films français des années 1930 y passèrent en alternance avec des films de la Paramount et de la MGM. « Les Lumières de la ville » de Charles Chaplin y fut projeté la semaine du 23 juin 1933, « La Kermesse héroïque » le 28 février 1936 quant à « Blanche-Neige », ce fut pour la première fois pour Noël 1938.

Ci-dessus: le Cyrano, alors salle unique.

Ci-dessus: la salle du Cyrano en 1954.

Au moment de la déclaration de la guerre, on y donnait le film de Frank Capra « Vous ne l’emporterez pas avec vous »… Après guerre étaient programmés les films de Pathé et ceux de la Warner. Dans les années 1950, les grands films populaires passaient au Cyrano comme « Don Camillo », « Le Salaire de la peur » et aussi les films des studios Walt Disney. Enfin, dans les années 1960, le Cyrano avait l’exclusivité des films de la Gaumont, de Comacico, de la Columbia, de United Artist et des studios Disney.

Avant d’être restructuré en multisalles, le Cyrano était derrière sa belle façade de briques et de verrières, une salle unique de 1580 fauteuils comprenant trois niveaux: un orchestre, une mezzanine et un balcon. Dès les années 1920, des pièces de théâtres, des soirée de music-hall et des tours de chants eurent lieu dans la salle du Cyrano, sorte d’antichambre versaillaise de l’Olympia de Paris.

En 1943, celui qui deviendra une grande figure de l’exploitation cinématographique, Jean-Charles Edeline, acquiert le Cyrano.

Le 23 avril 1972, après une ultime projection des « Quatre Malfrats », le Cyrano ferme pour rouvrir sous la forme d’un cinéma multisalles de six puis de huit salles, sa capacité actuelle. L’entrée principale, sous la verrière Art-Déco laissa la place à un commerce tandis que les spectateurs pénètrent aujourd’hui dans le complexe depuis le bâtiment adjacent.

Le Cyrano et le Roxane sont rachetés à la famille Edeline par UGC en 2017.

Lire l’article sur le Cyrano (histoire et photos)

Cinéma le C2L (ex-Palace):

Le Palace, situé rue Jean Houdon, ouvre dans les années 1920. Il propose des films moins prestigieux que le Cyrano ou que l’Alhambra. Il prend le nom de cinéma Le Dauphin dans les années 1950 avant celui de C2L en 1965.

Ci-dessus: la salle du C2L de Versailles en 1965.

Ci-dessus: la salle du C2L de Versailles en 1965.

Ci-dessus: le hall du cinéma C2L de Versailles en 1965.

Ci-dessus: la façade du C2L après sa fermeture.

Le C2L (Centre Culturel et de Loisirs) de Jean-François Edeline est une salle de première exclusivité qui ouvre en 1965. Les films y sont programmés dès leur sortie à Paris, ce qui est alors une première pour la banlieue avec le Translux Elysées 2 de la Celle Saint-Cloud.

Le C2L baisse son rideau au milieu des années 1980. La Royale Factory occupe aujourd’hui les lieux.

Cinéma le Kursaal:

Au début des années 1920, le Kursaal est inauguré rue Saint-Simon. C’est alors une salle élégante de 585 fauteuils répartis dans l’orchestre et le balcon. On la surnomme alors « la bonbonnière de Versailles » !

Ci-dessus: la salle du cinéma Kursaal en 1954. 

Le Kursaal alterne les films de première exclusivité et les reprises des gros succès sortis au Cyrano ou à l’Alhambra. « La Fille du bois maudit » d’Henry Hattaway y obtient une belle carrière: c’est un des premier film en couleurs projeté à Versailles avec le « Jardin d’Allah » à l’affiche du Cyrano.

Après guerre, le Kursaal programme les films de la Fox, de la Warner, de la Columbia et de grands films français. Dans les années 1950 et 1960, c’est la salle des westerns, des films d’épouvante et des films d’aventures.

Ci-dessus: le festival James Bond à l’affiche du cinéma Kursaal de Versailles en 1967. 

Naturellement dans les années 1970, c’est au tour des films de karaté et des westerns italiens d’avoir les honneurs du Kursaal, la salle populaire de Versailles. Les films pornographiques, également programmés dès 1973 annoncent la fin du Kursaal qui cesse son activité au milieu des années 1970.

En 1984, le cinéma Roxane remplace l’ancien Kursaal. Avant d’être repris par UGC en 2017, c’est la famille Edeline qui gère cet attachant cinéma.

Cinéma le Foyer:

Situé dans l’impasse des Gendarmes, Le Foyer ouvre dans les années 1930 et alterne dans sa salle de 600 fauteuils répartis sur deux niveaux des spectacles de music-hall et des films de reprise ou des films mineurs (les comédies de Deanna Durbin par exemple). Après la guerre, les films de la MGM sont à l’affiche comme « Prisonnier du passé » pour Noël 1945 et des grands films comme « La Bataille du Rail ». En 1952, le Foyer assure l’exclusivité de « Fanfan la Tulipe », le lendemain de la fin de son exclusivité au Gaumont-Palace et au Berlitz à Paris. Le film y est projeté durant deux semaines consécutives ce qui est alors une première pour une salle de banlieue.

Dès 1952, le Foyer récupère l’exclusivité des films de la Fox. C’est aussi la première salle de Versailles équipée d’un écran Cinémascope. « La Tunique » est gardée à l’affiche quatre semaines consécutives, dès le lendemain de la fin de son exclusivité parisienne au Rex et au Normandie. Suivent tous les films en Cinémascope de la Fox dans les années 1950.

Le Foyer assure également l’exclusivité des films de la Paramount, puis récupère au début des années 1960 l’exclusivité des films de la MGM. Le foyer est également la seule salle de Versailles à présenter des superproductions en 70mm pendant de très nombreuses semaines sur le modèle des road-show aux USA. Ainsi, « Le Jour le plus long » (1962), « Cléopâtre » (1964), « Paris brûle t’il? » (1966), « Docteur Jivago » (1967) et « La Mélodie du bonheur » (1966) pourront rester à l’affiche durant huit semaines consécutives!

Le Foyer ferme en 1969 après la projection de « Star ! » de Robert Wise pour laisser la place à un bâtiment des PTT.

Cinéma la Tannerie:

La Tannerie de la rue du Maréchal Foch ouvre en 1957. C’est alors la salle art et essai de Versailles. A l’époque, les films sont donnés en version française. La Tannerie alterne des reprises et des exclusivités comme les films de Resnais, Bergman, Fellini, Bunuel…

La salle de 200 fauteuils de La Tannerie ferme au milieu des années 1970.

Cinéma le Club:

C’est dans le quartier Porchefontaine, au 11 rue Coste, que le Club affiche son programme.

Jusqu’en 1958, le cinéma a pour enseigne Cinéma Idéal. On y voit des films en reprise, ceux passés dans les autres salles pour poursuivre leur succès. En 1973, Culture et Cinéma s’y installa et propose l’Atelier Club avec des cycles de Fellini, Hitchcock, Bergman, Truffaut…

Le Club, exploité par Pierre Edeline, baisse définitivement son rideau en 1984.

Cinéma la Grange Saint-Antoine:

Au Chesnay sont programmés les films ayant eu du succès dans les autres salles de Versailles avant de recevoir les films de premières visions vers 1971. La Grange Saint-Antoine ferme ses portes lorsque le complexe de Parly 2 ajoute trois nouvelles salles au deux déjà existantes. Les cinq salles du cinéma Parly 2 sont inaugurées avec les cinq westerns de Sergio Leone, un dans chaque salle. Le cinéma de Parly 2, géré par Pierre Edeline, est inauguré avec Macadam Cowboy en 1969.

Historique réalisé avec la contribution de M. Thierry Béné.