Célestine est la nouvelle domestique, fraîchement débarquée de Paris, des Lanlaire, un couple de bourgeois vivant dans un coin reculé de Normandie. Dans ce vingtième siècle naissant, Célestine ne supporte plus sa condition avilissante et n’a qu’une idée en tête: s’extirper de son milieu social et vivre sa vie de femme libre.

Quelques mois après la sortie de « Trois coeurs » , un scénario écrit par le cinéaste, Benoît Jacquot retrouve la littérature en adaptant un roman d’Octave Mirbeau. Le réalisateur s’était autrefois illustré avec brio avec les adaptations de Benjamin Constant avec « Adolphe », Pascal Quignard avec « Villa Amalia » ou encore Chantal Thomas avec « Les Adieux à la reine« .

Le « Journal du femme de chambre » est un film glaçant sur la condition domestique de Célestine (Léa Seydoux) , une jeune femme insoumise mais portant comme enchaînée dans sa destinée. Pourtant, elle va choisir une voie déviante pour accéder à la liberté: celle de Joseph (excellent Vincent Lindon), un homme-à-tout-faire qui flirte avec les milieux antisémites radicaux.

Benoît Jacquot dépeint un monde finissant, celui de la bourgeoisie toute puissante du XIXème siècle, avant les avancées économiques et sociales du Vingtième siècle. Célestine, avant-gardiste incarne la femme du XXème siècle, celle qui prendra conscience de sa soumission et qui prendra son destin en mains. Mais ce siècle annonce également les pires horreurs de la Shoah, quelques décennies après l’Affaire Dreyfus, avec l’antisémitisme naissant et violent de Joseph.

Beau et cruel, le film de Jacquot est un constat amère sur une société capitaliste où les petits – mais aussi les femmes – n’auront jamais vraiment leurs places.