Le maestro du cinéma contestataire transalpin s’est inspiré, avec « La Belle endormie » , d’un douloureux sujet qui divisa l’Italie en 2008: l’affaire Eluana. Le père de cette jeune femme, laissée dans le coma pendant 17 ans, réclamait le droit à une mort assistée. L’Église, les parlementaires et la population civile se déchirèrent autour d’un projet de loi permettant l’euthanasie.

Marco Bellocchio a pris prétexte de ce grand sujet de société pour scruter les convictions d’un groupe d’hommes et de femmes: tantôt un sénateur, en plein cœur du vote, et de sa fille, tantôt une actrice meurtrie par le coma de sa propre fille, tantôt un médecin amoureux de sa patiente suicidaire…

Dans son film chorale, tous les personnages se révèlent autour de l’affaire Eluana: le sénateur Beffardi (Toni Servillo, toujours magistral) ne suit plus la ligne de son parti, Forza Italia. Son leader Berlusconi avait même trouvé un « drôle » d’argument, assez malsain, contre la mort assistée d’Eluana « puisqu’elle avait encore ses menstruations »… La fille du sénateur, catholique pratiquante, (Alba Rohrwacher, l’étoile montant du cinéma italien, vue dans « Amore« ) prend une position opposée tout en rencontrant l’amour, tandis que Divina Madre (Isabelle Huppert), qui vit ce drame avec sa propre fille, s’enfonce dans la folie. Pourtant la lumière vient d’un hôpital où une droguée (Maya Sensa, qui irradiait « Villa Amalia« ) s’éveille à la vie grâce à son médecin.

Ce puzzle de protagonistes n’est d’emblée pas facile à suivre mais Bellocchio, en bon orfèvre du cinéma, sait retrouver son chemin: il emmène le spectateur vers la réflexion plutôt que vers une franche prise de position. La caméra du cinéaste de « Vincere » reste toujours aussi virtuose, accompagnée d’une belle partition musicale du fidèle Carlo Crivelli. L’entêtant thème est par contre une adaptation de Philip Glass de « Abdulmajid » composé par David Bowie et Brian Eno.

Le cinéma s’empare cet an-ci de ce sujet de société, récemment abordé par  Michael Haneke dans « Amour » et par Stéphane Brizé dans « Quelques heures de printemps ». Faut-il y voir poindre des futures évolutions dans l’opinion?