Guillaume Nicloux a beaucoup malmené, voire torturé, ses personnages dans sa trilogie policière entamée avec « Une Affaire privée », suivie de « Cette Femme-là » (le meilleur et le plus sombre de la série) puis avec « La Clef ». Quand le cinéaste s’empare du roman anticlérical de Diderot, ce n’est pas tant pour dénoncer une institution religieuse, l’Église, mais bien toutes les formes de souffrances et d’avilissement des femmes, où qu’elles soient dans le monde.

On suit le parcours douloureux de Suzanne Simonin (Pauline Etienne), une jeune femme du 18ème siècle issue d’une famille bourgeoise mais endettée, forcée de rentrer dans les ordres pour « décharger » sa famille et « expier la faute » de sa mère (Martina Gedeck, vue dans « La Vie des autres » ). C’est alors qu’elle entre au couvent, dirigé tour à tour par une mère supérieure cruelle, puis par une autre un peu trop aimante… La jeune femme entame ainsi un chemin de croix douloureux. Seule sa détermination et son féminisme avant l’heure la sortiront de ce calvaire.

Le cinéaste a adopté, et c’est tant mieux, une réalisation très sobre et dépouillée, uniquement servie par la musique de clavecin et d’orgue de Max Richter. A ce titre, la scène de la cérémonie d’entrée dans les ordres est magnifique. Les acteurs qui entourent Pauline Etienne-Suzanne Simonin sont parfaits: Marc Barbé (Père Castella), François Lebrun (la mère supérieure du Couvent Sainte-Marie), Isabelle Huppert bien sûr (la mère supérieure du Couvent Saint Eutrope) et la surprenante Louise Bourgoin en mère supérieure cruelle.

La Religieuse a été tourné à la Chartreuse de Pierre-Chatel à Virignin, au château de Fléchères à Fareins (Ain), au château du Passage (Isère) ainsi qu’à l’église Notre-Dame des Marais de Villefranche-sur-Saône.

A 23 ans, Pauline Etienne, découverte dans « Elève libre » et « Le Bel âge » , confirme son exceptionnelle maturité. Son jeu déterminé et touchant font de ce petit brin de femme une très grande actrice, dans la lignée d’une Juliette Binoche.