Au crépuscule du XIX siècle. Une maison close de tenue, l’Apollonide, accueille ses clients aimantés par la lanterne rouge au-dessus du porche du 24, avenue de l’Opéra, à Paris. Visite de la maison auprès des jeunes filles et de leur patronne, Marie-France, mère de famille tendre et autoritaire à la fois.

C’est un film attendu qui nous arrive droit du Festival de Cannes 2011 par le réalisateur du fascinant et magnifique « Tiresia », déjà centré sur l’univers de la prostitution. Cette fois, nous sommes à une période charnière de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle: les maisons closes prospèrent mais ne sont pas à l’abri des aléas du métier: hausse de loyer, maladies vénériennes, clientèle interlope.

L’Apollonide, maison fréquentée par des bourgeois et aristocrates, est régie par une ancienne prostituée, mère de deux enfants, qui cajole ses « filles » mais n’oublie pas de les recadrer quand il le faut. C’est la réalisatrice Noémie Lvovsky, décidément très en vogue en tant qu’actrice, qui interprète avec justesse et sobriété ce rôle de maillon entre les clients et les prostituées. Ces dernières présentent des caractéristiques qui contenteront tous les fantasmes de ses clients: la juive, l’algérienne, l’ingénue, l’italienne, la jeune, la mûre, etc.

Mais derrière ces jeunes fille fraîches et souriantes, des maux plus profonds s’installent. C’est ce qui fait l’intérêt du film de Bertrand Bonello. « L’Apollonide » est un cabinet de curiosités brut et oppressant sur les maisons closes au début du siècle dernier, c’est aussi une analyse de la société de l’époque à travers le prisme de la prostitution. Ici pas de nostalgie sur une époque révolue, mais des portraits de femmes, des touches impressionnistes d’une société qui se cherche. Les clients d’ailleurs, sont peut-être les personnages les plus perdus dans ce manège à séduction. Après « Le père de mes enfants« , Louis-Do de Lencquesaing crève l’écran en client désabusé.

« L’Apollonide » n’est pas un film qui vante les maisons closes. Au contraire. Les prostituées, derrières leurs charmes et leurs sourires, aspirent à autre chose: une vie à l’extérieur, une vie amoureuse. Le casting des filles de joie est bien trouvé: nous ne sommes pas dans un film de David Hamilton. Les personnalités et les beautés sont authentiques, racées, uniques. Depuis Hafsia Herzi (« Les Secrets« , « Le Roi de l’évasion« ), en passant par Céline Sallette (« Avant l’aube« ), Jasmine Trinca (« Nos plus belles années », « La chambre du fils ») et Adèle Haenel (« Naissance des pieuvres »), ces jeunes actrices qui ne sont pas des midinettes transmettent des attitudes diverses: amoureuses, rebelles, naïves et surtout désenchantées.