« Merci patron! » est actuellement le petit phénomène cinématographique dans les salles de cinéma françaises: un formidable bouche à oreille place le film en tête des entrées dans sa catégorie, le documentaire indépendant. Le thème du film de François Ruffin, rédacteur en chef du journal alternatif Fakir, se rapproche de très près de l’excellent documentaire « De Mémoire d’ouvriers » (2012) de Gilles Perret. Mais ici, c’est sous le mode de la farce qu’on pointe du doigt un capitalisme impitoyable et inhumain.

François Ruffin revient sur le lamentable gâchis d’une activité textile jadis florissante puis sur le déclin à Poix-du-Nord, près de Valenciennes. Reprise par la patron de LVMH, la société Ecce et ses ouvriers n’ont aujourd’hui que leurs yeux pour pleureur puisque l’homme d’affaires, après avoir repris les activités et promis le maintien du site, a aussitôt délocalisé l’usine en Pologne, en Bulgarie et bientôt ailleurs où la main d’oeuvre sera encore moins chère. Le tout affirmé par les dirigeants avec le plus grand cynisme, laissant sur le carreau quelques familles dans une région déjà bien sinistrée.

Le réalisateur et son équipe prennent le parti du ridicule et du grotesque de la situation: le ton est comique, ironique et les situations ahurissantes, notamment lorsque les bras droits du dirigeant de LVMH, première fortune de France, négocient secrètement des indemnités et des CDI chez Carrefour pour couvrir le scandale. Même si Bernard Arnault n’est pas assez dépeint comme un patron sans pitié et vorace, le film lève le voile sur les pratiques de communication en vue d’apaiser et d’étouffer des modes opératoires édifiants.