Sorti au cinéma en 1946, « Panique » est d’une incroyable actualité. Déjà, au sortir de la guerre, le film de Julien Duvivier dénonçait l’exclusion qu’on subi les « loufoques » , ceux qui ne sont pas d’ici, ceux qui ne ressemblent pas aux autres. Monsieur Hire, interprété par le grand Michel Simon, est en effet un homme étrange aux yeux du monde: il vit seul, il prend ses distances face à son environnement, friand de racontars. De surcroît, il semble davantage cultivé et éduqué que la communauté dans laquelle il évolue. Même la police se méfie d’un homme dont le vrai nom, Hirovitch, semble venir d’un ailleurs lointain. L’homme semble donc être la cible idéale de toute la rancœur, de toutes les haines et les frustrations d’une population qui souhaite aussi et surtout se débarrasser de sa mauvaise conscience.

Le film de Duvivier est adapté d’un des « romans durs » de Georges Simenon écrit en 1933. Visionnaire, l’auteur de Maigret a inspiré un grand nombre de cinéastes dès ses premières publications, les réalisateurs contemporains continuant aujourd’hui un travail d’exploration de la face sombre de ses protagonistes. « L’Homme de Londres » de Bela Tarr (2007) et « La Chambre bleue »  de Mathieu Almaric (2014) sont les derniers et brillants exemples de films noirs simenoniens explorant le plus sombre de l’âme humaine. On le sait, Patrice Leconte avait déjà adapté ce roman et en avait fait un de ses meilleurs films: « M. Hire » (1989).

« Panique » est porté par le génial Michel Simon qui fait de son personnage un être distant, au passé trouble mais sentimental comme un jeune homme. Dans le livre de Simenon, Hire est juif ce qui est plus ou moins suggéré dans le film écrit par Charles Spaak et Julien Duviver. Il est entouré de Viviane Romance et de Paul Bernard qui jouent un couple avide d’argent gagné facilement et rapidement, prêts à tout pour se dédouaner d’un crime commis dans la petite ville de cette banlieue parisienne. Tourné aux studios de la Victorine à Nice, la reconstitution et les décors de Serge Piménoff sont magistraux, dignes d’un Alexandre Trauner. Sur un scénario tendu et rythmé, la caméra de Julien Duvivier emprunte des plans savants et de belles perspectives.

Le film de Julien Duvivier ressort ainsi sur grand écran dans une version restaurée. Il faut voir ou revoir cette oeuvre peu connue qui voit une population se déchaîner contre un bouc-émissaire: on ne peut que penser aux victimes du racisme, de l’antisémitisme, de l’homophobie et de toutes formes d’exactions qui ont pu avoir lieu au siècle dernier et qui continuent, malheureusement, de plus belle aujourd’hui.